Cet article reprend le témoignage d’une camarade qui a
décidé de rester anonyme et qui raconte comment elle a été violée par un homme membre du SWP (Socialist Worker Party, l’un des principaux parti de
l’extrême gauche britannique, NdT) l’année dernière et comment elle a
été traitée lorsqu’elle a dénoncé les faits. Selon ses propres mots : « les ressemblances entre la façon dont le cas de W
et X a été traité et le mien, sont frappantes ». Nous pensons que cela montre
qu’il ne s’agissait pas d’ « incidents isolés », mais de faits systématiques
dans l’organisation. (intro : International
Socialist Network, ISN)
En décembre dernier, j’étais encore membre du SWP. Un autre
membre (je refuse de l’appeler un camarade) m’a violée. J’ai d’abord refusée d’accepter la réalité de ce qui s’était passé et je
me sentais coupable. Cette personne m’a harcelée
sexuellement pendant un mois avant de m’agresser
et une part de moi sent que j’aurais du dénoncer les faits plus rapidement.
En janvier, après m’être confiée à une camarade qui m’a fait
prendre conscience de la gravité des choses, j’ai décidé de déposer une plainte
officielle auprès du comité de litige du SWP.
La décision n’a pas été facile à prendre. J’avais assisté au rapport du comité
lors du congrès qui s’est tenu le même mois
(avec l’homme qui m’a violée assis quelques mètres plus loin) et j’étais
dégoûtée par ce que j’entendais. Malgré tout, d'autres camarades et moi
pensions que ce comportement épouvantable du parti tout au long du processus
avait été une erreur, qu’elle serait corrigée et ne se répéterait jamais. Je pense que nous savons tous maintenant que nous nous
sommes trompés.
En janvier dernier j’ai pris contact avec mon secrétaire de
district pour faire savoir que je voulais porter plainte. On m’a suggéré une
rencontre avec une membre femme du district pour qu’elle puisse entendre ma
plainte et en prendre acte. Le secrétaire de section était un ami proche,
autant de moi que de mon agresseur, et il se trouvait dans la maison à la même
fête le soir où ça c’est passé. Je ne vais pas m’étendre sur les détails des
événements mais je voudrais pointer la procédure du comité de litige.
J’ai fait une première déclaration (d’agression sexuelle,
bien que la description de ce qui s’est passé ne pouvait signifier autre chose
qu’un viol) dans laquelle j’expliquais à mon intermédiaire, de manière
détaillée, ce qui s’était passé cette nuit-là. Celle-ci a tout noté. Elle était
en contact avec le comité de litige et leur a transmis les notes qu’elle a
prises le soir où je lui ai parlé. Ces notes ont été envoyées à Pat Stack, qui
les a transmises à Charlie Kimber, qui a alors suspendu l’agresseur pendant que
le comité de litige (CL) traitait le cas.
Le CL a répondu que la plainte devait émaner de moi avec mes
propres mots. J’ai envoyé un mail personnel au CL, en joignant
à nouveau les notes de mon intermédiaire en leur disant « je vous prie
d’accepter ce mail comme une plainte formelle adressée au Comité de Litige. Je
mets en pièce jointe les notes de *** avec une légère modification et considère
que c’est la base de ma plainte. »
Apparemment cela n’était pas suffisant et j’ai reçu en
réponse un email, abrupte, me disant : « Pour l’instant, le CL a reçu ton email du 30 janvier 2013 demandant au CL d’accepter
ton email et sa pièce jointe (***) les notes du
23 janvier 2013, avec un léger changement, comme plainte formelle. Tu décris
les deux documents comme la base de ta plainte. Tu demandes au CL d’accepter la
description d’une tiers de ce que tu lui as expliqué comme plainte. Ce n’est
pas possible. Pour l’instant, le CL n’a pas encore reçu un compte rendu de ce qui t’est arrivé, alors que la personne accusée est suspendue depuis deux semaines. Tu dois
finaliser ta plainte. Plus tard, mercredi soir, lors d’une conversation
téléphonique, tu as nommé trois personnes avec qui tu as parlé de l’identité de la personne accusée et de l’avancement de ta
procédure avec le CL. Tes actions ne respectent pas
la confidentialité qui doit entourer le processus de plainte tout comme les
identités des personnes et les détails de la plainte. Nous nous rendons compte
que c’est difficile pour toi. Nous voulons te permettre de communiquer
ouvertement avec le CL et nous voulons protéger du mieux que nous pouvons le
bien-être, les informations et l’identité confidentielle des camarades
impliqués. C’est important que nous essayions de
travailler de cette façon là pour être constructifs.
Le CL te demande de nous contacter pour nous
communiquer rapidement ta disponibilité pour en parler. Cette
correspondance est confidentielle entre le CL et toi. »
Ce à quoi je leur ai répondu :
« Voici ma déclaration, j’ai été à l’étranger donc désolée
pour le délais. Pour répondre à votre affirmation selon laquelle j’aurais rompu
la confidentialité; j’ai parlé aux camarades avant de décider de m’adresser au
CL alors que je ne savais pas quoi faire. Ce n’était pas évident de s’adresser
au comité après le rapport fait au congrès. De plus, l’une des camarades avec
qui j’ai parlé avait déjà ressenti du malaise face au comportement de (***) et
m’a aidée à mettre des mots sur ce qui s’est passé. »
Pendant toute la procédure, on m’a constamment répété l’importance
de la confidentialité. Alors que j’étais une personne qui était passée à
travers une expérience horrible, on me disait que je ne devais pas parler avec
mes amis et camarades, que je ne devais parler qu’avec une femme que j’avais jusqu’alors très peu fréquenté.
Après l’envoi de ma
déclaration, il fut convenu avec Rhetta et Jackie, du CL, qu’ils viendraient
pour me rencontrer et rencontrer l’agresseur. A ce moment-là, je pensais que
mon appel avait été entendu. Le soir de l’entretien, Rhetta et Jackie m’ont
demandé de leur parler des événements de cette
nuit ; je leur ai donc raconté. Parmi les questions qui s’en sont suivies, il y
avait ; « penses-tu que tu étais sous
l’effet de l’alcool ou de la drogue ? » Ils m’ont aussi poussée à parler des abus que j’avais subis précédemment, de
comment, plus tôt ce soir-là, j’avais été secouée et m’était confiée à l’homme
qui m’a agressée. C’était vraiment difficile pour moi et ça s’ajoutait à un
processus qui était déjà assez dur comme ça.

Je ne pouvais pas me rappeler de manière complète de
l’agression, pas à cause d’un abus d’alcool, mais parce que j’avais refoulé les
événements. Il me parlait, mais je ne pouvais pas l’entendre, je le sentais,
mais je ne me souviens pas de ce qu’il disait.
A la fin d’un long et pénible entretien, on m’a demandé ce
que je voulais qu’il se passe après. Lorsque j’ai demandé ce qu’on entendait par cette question, je me suis entendue demander si je voulais porter plainte
officiellement et faire une audition officielle. Jusque à ce moment, je pensais
que c’était exactement ce que j’étais en train de faire.
Ils ont poursuivi en me disant qu'il était peu probable que
le CL soit en mesure de traiter cette affaire,
de toute façon, surtout en tenant compte du niveau d’alcoolémie
qui était le mien, sans être sûr de l'effet que cela
avait eu sur moi (j'ai eu beau répéter tout au long de l’entretien qu’au
moment de l’agression j’était tout à fait sobre, rien n’y fit). Ils ont dit que
je ne pouvais pas me souvenir de tout (en fait, la seule chose dont je ne me souvenais pas c’étaient les paroles qu’il m’a
dit au moment de l’agression), et qu'une audition serait encore plus
difficile pour moi.
On m’a alors encouragée à laisser
tomber l’affaire, tout en me disant que « bien sûr,
la décision t’appartient, tu fais ce qui est le mieux pour toi », etc. Face à
une telle alternative, j’ai décidé de laisser tomber ma plainte. Je n’ai jamais
ressenti cette décision comme étant la mienne ; en bref on m’avait dit que je
n’avais aucune chance. Plus tard, j’ai su que c’était certainement le cas. »
Je sens qu’il est nécessaire de préciser que cet entretien avec Rettha et Jackie a été très
stressant pour moi et a bouleversé un peu plus
ma fragilité émotionnelle. Ils m’ont faite
sentir ridicule de porter plainte et m’ont faite
sentir comme quelqu’un de trop affectée pour
pouvoir expliquer ce qui s’était passé et gérer la situation. Après cet
entretien, s’en est suivi pour moi une longue semaine d’état
dépressif. C’est ça le véritable effet de la ligne qu’applique le SWP
face aux femmes en cas de viol ; ils abîment les
personnes, ils agissent d’une manière dangereuse. La semaine suivante, mon intermédiaire
et des membres du CL m’ont téléphonée trois
fois, essentiellement pour s’assurer de mon
silence : « Si quelqu’un te demande ce qu’il en est de la plainte ou pourquoi
tu as laissé tomber,
réponds leur juste que tu n’as pas envie d’en parler et que c’était ta
décision. »… Or j’ai justement envie d’en parler
et ce n’était pas ma décision.
Depuis, j’ai également découvert
que l’agresseur avait pu lire ma déclaration, alors que je n’ai pas vu sa
réponse, ni été informée de sa teneur. Qui plus est, il a été soutenu par le
témoignage d’une personne qui n’était même pas présente le soir où c’est
arrivé. On ne m’a pas demandée si j’avais des
témoins, malgré le fait que j’indiquais dans ma déclaration qu’une camarade
femme m’avait dit se sentir non seulement mal à l’aise avec la
façon dont cet homme se comportait, mais aussi qu’elle le voyait agir d’une
manière harcelante à mon égard.
Je ne pense pas que c’est un hasard si le CL a favorisé un
membre masculin qui prenait de l’importance dans le district et qui commençait
à se faire une renommée nationale dans l’organisation. Il
s’agit d’un membre qui a été envoyé par le district (et après ma
plainte) dans un congrès spécial pour renforcer la ligne actuelle - même mon
intermédiaire avait approuvée son choix par
vote. Un membre qui fait partie du comité de district et qui est encore
maintenant un personnage public lors des manifestations, des meetings, etc.
Les similitudes avec la façon dont le cas de W et de X a été
géré et la façon dont j’ai été traitée sont flagrantes. Cela devrait contribuer
à démontrer que le SWP est un groupe sexiste, construit sur des mensonges, et,
par-dessus tout, qui étouffe des affaires de viols
pour protéger ses membres masculins et leur réputation. Si on tient compte de
ces faits, le SWP est contre-révolutionnaire et va à l’encontre de la tradition
socialiste ; nous ne pouvons nous battre pour la révolution sans nous battre
pour les groupes opprimés ; étouffer les affaires de viols,
c’est opprimer les femmes. Tous ceux qui sont révolutionnaires, socialistes
radicaux ou ne serait-ce que des êtres humains décents, ne devraient pas avoir à faire avec le SWP et ses pratiques
abjectes d’apologie du viol.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire