Par Myroie
Attention, article qui va pas plaire, du tout, mais j’en ai
marre de jouer la gentille fille compréhensive et consensuelle, alors je me
lance, et je l’affirme : si tu n’es pas féministe, tu es sexiste. Mais pas de
panique, je suis pas du genre à balancer une phrase choquante dans le vide.
Laissez moi vous expliquer.
Commençons par le commencement : qu’est-ce que c’est être
féministe ? Être féministe, c’est être pour l’égalité des sexes, ni plus ni
moins. Des tas de groupes féministes existent, des tas de désaccords entre
féministes subsistent, d’ailleurs (port du voile, prostitution, liberté du
corps de la femme etc), mais tous partent d’une même base dans leur
revendication : les hommes et les femmes ne sont pas égaux et c’est un
problème. Logiquement, donc, si on est pas féministe (pour l’égalité homme
femme), c’est qu’on est contre l’égalité des sexes. Et que donc, on est
sexiste. Pourtant, des tas de gens sont pour l’égalité homme femme mais pas
féministes. Pourquoi donc ?
Être féministe, cette honte, ce fléau.
Pas facile de se dire féministe. Il faut du cran pour le
faire. Pourquoi ? Parce que dire qu’on est féministe, aujourd’hui, en société,
c’est mal vu. On a tous été témoin un jour du bashing de féministe. C’est un
truc assez courant qui permet de souder les troupes. Rire des féministes, ces
nanas moches coincées mal-baisées, c’est courant : qui n’a jamais entendu
quelqu’un dire « roah, fais pas ta féministe » ou « olala, t’es chiante on
dirait une chienne de garde » ? On le sait tous, être féministe, donc,
cépabien. L’idée de la féministe moche, lesbienne (1), poilue (2), misandre et
castratrice habite plus ou moins les esprits, dans des formats plus ou moins
stéréotypés et erronés. Et qui a envie d’être associé à ce stéréotype ? C’est
pour ça que bien des féministes vous le diront : avant de se proclamer féministes,
elles avaient toutes usées du « je suis pas féministe mais » et ils avaient
tous usé du « non, mais c’est bon, je suis pas sexiste, je respecte la femme ».
La ruse pour ne pas être intolérant tout en n’étant pas
féministe.
Du coup, plutôt que de se proclamer féministe, des tas de
gens vont trouver des astuces : humanistes, égalitaristes, anti-sexistes… Les
synonymes fleurissent. Je suis pour l’égalité, mais je suis pas comme elles. Il
y a un besoin de se dissocier de ce mouvement. Ce qui, d’une certaine manière,
revient à dire, je suis pour l’égalité, mais je ne remets pas en cause l’ordre
établi, je ne fais pas trop de vagues, je laisse les choses là où elles sont et
de temps en temps, je rappelle que le sexisme, ce n’est pas bien, tout en restant
assez évasif. Affirmer qu’on est pour l’égalité sans creuser, sans chercher à
comprendre les raisons des inégalités est en général ce que préfèrent faire la
plupart des gens. Parce que ça permet de ne pas prendre de risques : on reste
dans la norme. En faisant ainsi, on ne se marginalise pas, on reste dans le «
groupe » sans prendre de front les railleries sus-citées. La peur d’être la
victime de ses propres moqueries fait qu’on garde le statut-quo. Et la boucle
est bouclée : on se moque des marginaux (féministes, végétariens, anarchistes
etc) pour être accepté par ses proches ; en se moquant on encourage le système
qui permet de dévaloriser le féminisme, on craint ces moqueries, donc on ne se
dit pas féministe.
Cette démarche donne sa force au patriarcat. En faisant
ainsi, chacun se transforme en petit soldat défenseur de l’ordre établi. Un peu
comme dans Matrix : tant que tu n’as pas pris la pilule rouge, tu es un «
colluder », sans même t’en rendre compte. C’est seulement en cherchant la
vérité que tu cesseras d’en être un et que tu pourras alors lutter contre la
matrice, après ton "éveil".
Les féministes sont des personnes qui s’interrogent sur le
sexisme, sa manière de fonctionner et comment, encore aujourd’hui, en 2013, des
choses comme le plafond de verre, la culture du viol ou les mythes sur le genre
peuvent exister. Ils secouent l’arbre de la phallocratie encore bien enraciné
dans nos mœurs et à cause de ça sont vus comme des extrémistes (comme toute
personne remettant en cause les systèmes de notre société). Ce qu’il faut
savoir, c’est qu’aujourd’hui, alors que le mot féministe est vu comme une
insulte, dire qu’on l’est est déjà, en soi, un acte de courage et un acte
militant. C’est affronter les regards des autres, montrer à ses proches que
non, un/e féministe n’est pas comme vous l’imaginiez. C’est infiltrer un Néo
chez les Mr Smith, et potentiellement les transformer eux aussi, petit à petit.
Se dire féministe, c’est porter en étendard ce que les
anciens ont fait, ce qu’ils ont gagnés : le droit de vote, le droit à
l’avortement, le droit à la contraception, etc. Se dire féministe, c’est être
fier de ce mot, même quand le patriarcat en a fait une injure. Se dire
féministe, c’est être fier de porter le même adjectif que Gisèle Halimi, Audre
Lordes, Benoîte Groult ou Judith Butler. Bref, se dire féministe, c’est
continuer de croire en de belles valeurs comme l’égalité, de lutter pour en
s’interrogeant et d’en être fier.
En conclusion.
Alors ne pas se dire féministe c’est être sexiste ? Oui. Et il y a à ça, deux explications :
- Soit vous n’êtes réellement pas pour l’égalité homme / femme, auquel cas vous ne pouvez pas vous dire féministe et donc, au passage, moi femme qui ne pense pas valoir moins qu’un homme, je vous emmerde.
- Soit vous avez peur/pas envie de vous revendiquer féministe, malgré le fait que vous puissiez le faire sans adhérer à aucun parti. Auquel cas, vous êtes mal renseignés sur notre combat. En refusant d’être féministe, vous alimentez à votre échelle l’idée qu’on peut être contre le sexisme tout en étant pas féministe, voire pire : qu’être féministe, c’est être sexiste. Alors que le féminisme est au sexisme ce que l’anti-racisme est à la xénophobie. Aussi je vous invite à lire un maximum de liens, de livres, bref de vous renseigner autant que possible sur ce qu’est le féminisme. Afin de découvrir à quel point « c’est un beau mouvement qui n’a jamais tué personne alors que le machisme tue tous les jours ».
EDIT : Je viens de découvrir un très bon article qui me fait mettre un peu d’eau dans mon vin. Il existe de bonnes raisons (auxquelles je n’avais pas pensé) de ne pas vouloir se dire féministe, mais plutôt "anti-sexiste". Extrait :
"Ce terme, « féminisme », qui se veut rassembleur, peut être le contraire. Avec ce mot, on veut mettre l’accent sur le féminin, bien souvent trop oublié, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, on masque le fait que le sexisme est une oppression parmi d’autres, et au risque de choquer, c’est peut être voulu : si on est une femme blanche hétéro, on peut se gargariser de subir une oppression non nommée en anti-quelquechose, ce qui la rend centrale, plus importante, et permet de reléguer les autres en périphérie. Et ainsi, les refus ou le désintérêt pour l’intersectionnalité ne sont pas si étonnants : si le féminisme est la première lutte contre l’oppression, et les autres des périphéries, pourquoi s’en occuper ?"
Prochain article, pour foutre en l’air tous les propos que je viens de tenir, « n’est pas féministe qui veut », histoire de renforcer les clichés qui prétendent que les féministes sont élitistes. Enjoy ! :D
(1) A noter que reprocher à une féministe d’être lesbienne (que ce soit vrai ou faux) témoigne clairement de la lesbophobie encouragée par le patriarcat. Ça sous-entendrait qu’on devient lesbienne par haine des hommes et non pas par amour d’une femme. Ce qui est parfaitement stupide et misogyne (et en plus intrusif). Une orientation sexuelle n’a rien à voir avec une conviction politique.
(2) De même, reprocher à une femme de ne pas s’épiler témoigne d’un sexisme latent. Certaines femmes choisissent de ne pas s’épiler parce qu’elles se préfèrent ainsi, et le leur reprocher c’est faire le jeu du patriarcat qui a décrété que les femmes devraient être lisses et glabres.
Source : égalitariste.net
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