Evidemment
que tous les hommes ne détestent pas les femmes. Mais tous les hommes doivent
savoir qu’ils bénéficient du sexisme.
Laurie
Penny
Le livre
connu sous le nom de Millenium, ou encore « The girl with the dragon
tattoo » a pour titre original, dans sa version suédoise ; «Les hommes qui n'aimaient pas les femmes » ; un titre qui va faire mal.
Ces derniers mois,
il a été
pratiquement impossible d’ouvrir un journal ou d’allumer la
télévision (en
Angleterre) sans tomber sur une histoire de filles mineures
violées, de femmes
politiques harcelées, d’une femme transgenre assassinée. Mais
alors que des
femmes, des filles et des hommes alliés commencent à dénoncer le
sexisme et
l’injustice, une chose étrange se produit et certaines personnes
se plaignent du fait que parler
de ces préjudices est en soi un
préjudice.
De nos jours,
avant de parler de
misogynie, on attend de plus en plus des femmes qu’elles
modifient leur langage
afin de ne pas heurter les sentiments des hommes. Ne dites pas «
les hommes
oppriment les femmes » - c’est du sexisme, aussi mauvais que le
sexisme que
doivent endurer les femmes, peut-être pire. Dites plutôt «
certains hommes
oppriment les femmes ». Quoi qu’il en soit, ne généralisez pas.
Ça c’est ce que
font les hommes. Pas tous les hommes, juste quelques hommes…
Ce type de
chamailleries sémantiques
est un moyen très efficace de réduire les femmes au silence.
Après tout,
l’essentiel de l’éducation des grandes filles a été d’apprendre
à mettre les
sentiments des autres en priorité des leurs. Nous ne devons pas
dire ce que
nous pensons s’il existe la possibilité de blesser quelqu’un, ou
pire, de le
mettre en colère. Donc nous aménageons ce que nous disons avec
des excuses, des mises en garde
et des paroles apaisantes. Nous
rassurons
nos amis et nos proches sur le fait qu’ « ils ne font pas partie
de
ces hommes qui détestent les femmes ».
Ce que nous ne
disons pas c’est ;
bien sûr que tous les hommes ne
détestent pas
les femmes. Mais puisque notre
culture déteste les femmes, les hommes
qui grandissent dans cette culture
sexiste ont tendance à dire et à faire
des choses sexistes, souvent sans s’en
rendre compte.
Nous ne vous jugeons pas pour ce que vous êtes mais cela ne
signifie pas que nous ne vous
demandons pas de changer vos
comportements. Ce que vous ressentez pour les femmes est moins
important dans
ce cas-ci que la façon dont vous vous comportez quotidiennement
avec elles.
Vous pouvez être
l’homme le plus
courtois et gentil du monde et quand même profiter du sexisme.
C’est comme ça
que fonctionne l’oppression. Des centaines de personnes, qui
sont en fait des
gens biens, se laissent convaincre de perpétrer un système
injuste parce que
c’est plus peinard comme ça. Lorsque quelqu’un réclame un
changement de ce
système injuste, la réaction appropriée est d’écouter plutôt que
de vous mettre
à hurler, comme un enfant, que ce n’est pas votre faute. Et ce
n’est pas votre
faute. Je suis certaine que vous êtes adorable. Mais ça ne veut
pas dire que
vous n’avez pas une part de responsabilité dans tout ça.
Sans invoquer des
bêtes
stéréotypes à propos des capacités « multitâches », nous
devrions être d’accord
sur le fait que c’est parfaitement possible pour l’esprit humain
de gérer plus
d’une idée à la fois. Le cerveau est un organe volumineux et
complexe, avec la
taille d’un horrible choux, et on y trouve bien de la place pour
d’innombrables
épisodes parmi les pires séries télévisées, ou pour tous les
numéros de
téléphone des ex-copines que vous n’aviez pas réellement
l’intention d’appeler
après la sixième vodka. Si vous étiez incapables de gérer de
grandes idées
structurelles en même temps que des petites pensées
personnelles, nous ne
serions jamais descendus des arbres pour construire des villes
et des complexes
cinématographiques. Il ne doit pas être impossible, par
conséquent, d'expliquer
à l'homme moyen que vous êtes, homme individuel vaquant à ses
occupations
quotidiennes, que vous pouvez très bien
ne pas
haïr les femmes et quand même les
blesser
en tant qu'homme faisant partie du groupe masculin. Je ne crois
pas que la
majorité des hommes soient trop bêtes pour comprendre cette
distinction, et
s’ils le sont, il faut vraiment mettre toutes nos forces pour
les empêcher de
continuer à gérer un quelconque gouvernement.
D’une certaine
manière, il reste
difficile de parler du sexisme aux hommes sans se confronter à
un mur défensif qui se
transforme vite en hostilité, voire en
violence. La colère est une réponse tout à fait appropriée quand
on apprend
qu’on est impliqué dans un système qui opprime les femmes – mais
la solution
n’est pas de tourner cette colère contre les femmes. La solution
n’est pas de
clore le débat en nous accusant de « sexisme inversé », comme si
ça allait
quelque part équilibrer le problème et vous permettre de ne plus
vous sentir
mal à l’aise.
Le sexisme doit
vous mettre mal à
l’aise. C’est douloureux et rageant d’être aussi
favorisé par les attaques misogynes et c’est aussi pénible de
voir que ça se
passe et qu’on est impliqué, même si on ne l’a pas choisi. Vous
êtes censés
réagir lorsque vous apprenez que le groupe auquel vous
appartenez est en train
de profiter activement d’êtres humains, de la même manière que
vous êtes censés
bouger voter jambe quand un médecin tape sur votre genou. Si ça
ne bouge pas,
c’est que quelque chose cloche sérieusement.
Dire que « tous
les hommes sont
impliqués dans la culture du sexisme » - tous les hommes, pas
seulement
quelques hommes – sonne comme une accusation. En réalité, c’est
un défi. Vous,
homme individuel, avec vos propres rêves et désirs, n’avez pas
demandé à naître
dans un monde où le fait d’être un garçon vous donne des
avantages sociaux et
sexuels sur les filles. Vous ne voulez pas vivre dans un monde
où les petites
filles se font violer pour ensuite s’entendre dire par un
tribunal qu’elles
l’ont provoqué ; où les femmes sont mal payées et pas payées ;
où on les accuse
d’être des putes ou des trainées parce qu’elles demandent
l’égalité sexuelle.
Vous n’avez rien choisi dans tout ça. Mais
ce
que vous pouvez choisir dès à
présent, c’est ce
qui se passera ensuite.
En tant
qu’homme, vous pouvez choisir de contribuer à construire une monde plus juste
pour les femmes – et de fait pour les hommes. Vous pouvez choisir de combattre
la misogynie et la violence sexuelle où que vous les rencontriez. Vous pouvez
choisir de prendre des risques et de mettre de l’énergie dans la défense des
femmes, pour les soutenir, les aider à avancer et les traiter en égales. Vous
pouvez choisir de tenir bon et de dire non, et chaque jour, des hommes et des
garçons font ce choix. La question c’est ; serez-vous l’un d’eux ?
Source : NewStatesman
traduction pour www.sexismesagauche.blogspot.be - rr2012
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