Le sexisme qui vient « de
gauche » : pourquoi il faut que ça s’arrête.
Stavvers
Un spectre hante la gauche, le
spectre du féminisme.
Je pense que personne n’est aussi
embêté que moi par une telle entrée en matière, mais elle clignote dans ma tête
et il faut que je l’écrive quelque part, et ici ou ailleurs, c’est tout aussi
bien.
J’écris ceci sous le coup de la
colère suite à la dernière manifestation de sexisme de gauche en date ; deux
jours passés à discuter d’une question féministe avec un homme de gauche et ses
partisans, pour la plupart des hommes, qui ont entièrement refusé de donner de
l’importance au débat que j’essayais de mener. Ce n’est bien sûr pas la
première fois qu’une chose de ce genre se produit, et ce ne sera certainement
pas la dernière à moins que quelque chose d’incroyable ne se produise
subitement. Et comme je n’entends pas le doux son de la Kyriarchie leur tomber
dessus et les réduire en poussière, je ne peux que supposer que tout ça va
continuer à se produire.
Le sexisme de gauche se manifeste
dans des formes aussi variées et nombreuses qu’il y a de types de personnes
dans ce qu’on appelle la « gauche ». Les formes les plus visibles
sont sans doute le langage sexiste direct (« salope », etc.) et
l’apologie du viol (voir George Galloway, le SWP,…), mais cela ne représente
que la pointe d’un iceberg réellement sexiste.
Parmi les progressistes, le
sexisme s’exprime aussi souvent comme une réaction à sa dénonciation, à laquelle on oppose un
plaidoyer pour l’unité. Pour certains, le sexisme est un problème qui sera
résolu plus tard, et nous devrions, pour l’instant, nous concentrer sur le
« véritable ennemi ».
Ensuite il y a les anarcho-mâles,
qui secouent leur queue et ignorent leurs camarades femmes. Il y a aussi ceux
qui savent très bien utiliser tous les bons mots, et dont le comportement n’est
absolument pas cohérent avec leur discours ; ils défendront ensuite leur
comportement en utilisant des théories qu’ils ont apprises et qu’ils sont
apparemment incapables de s’appliquer à eux-mêmes.
D’autres pensent qu’ils ont déjà
bien assez donné dans le combat contre le sexisme. Puis, il ya ceux qui
insistent pour dire que les luttes contre les oppressions croisées sont en quelque sorte
équivalentes à la politique identitaire, ce qui prouve qu'ils sont ignorants de
la signification de l’un ou de l’autre.
Ceci n’est absolument pas une
liste exhaustive. Le sexisme de gauche se manifeste d’une quantité de façons
différentes.
Mais ils ont tous une chose en
commun : cette certitude d’avoir absolument raison et qui trouve son origine
dans les privilèges masculins.
L’impact du sexisme venant de
personnes qui sont apparemment « de mon côté » est différent de celui
qui provient de personnes qui, sans équivoques, ne sont pas de mon côté. Alors
que, lorsqu’il s’agissait de questions d’abus, j’arrivais à écrire avec un ton
que l’on peut appeler « oderint dum metuant, fuckers » (« Qu'ils me
haïssent, pourvu qu'ils me craignent !, connards»), cela devient plus compliqué
lorsqu’il s’agit du sexisme insidieux de gauche. Ce sexisme est bien plus
résistant, et de loin, puisque ce sont des hommes qui croient sincèrement
qu’ils ne détestent pas les femmes et qu’ils ne sont certainement pas sexistes,
et qui croient qu’ils font de leur mieux pour combattre le sexisme.
Ils se mettent donc sur la défensive
lorsqu’on dénonce leur sexisme, et ils sont secondés par d’autres hommes, à
propos desquels je ne peux que supposer qu’ils sont terrifiés par l’insidieuse
menace féministe qui risque de les frapper aussi. Evidemment, le fait que dans
notre vision de la société ainsi que dans nos organisations, nous avons mis sur
un pied d’égalité quelqu’un qui « tient des propos sexistes » et quelqu’un
« de mauvais dont il faut se débarrasser », rend les choses problématiques.
Autrement dit, il est difficile de dénoncer un comportement douteux sans se
confronter immédiatement à une tentative massive de nier d’avoir quoi que ce
soit à voir avec cette identité de « chien sexiste ».
Il est temps que vous sachiez,
camarades hommes, que nous penserons probablement que vous êtes des « chiens
sexistes » si vous réagissez mal une fois que le problème aura été exposé
à votre attention. Le privilège rend le privilégié aveugle et l’ignorance est
pardonnable. Mais une fois que le rideau est ouvert et que vous avez une
opportunité de réfléchir et de prendre en considération votre propre privilège,
cela relève de votre responsabilité de le faire.
J’ai tendance à me forcer à être
encore plus polie lorsque je suis confrontée au sexisme à gauche, mais c’est
surtout parce que c’est par rapport à des personnes avec lesquelles je serai
amenée à devoir m’organiser (bien que je refuse de m’organiser avec certains de
la pire espèce). Mais il semble que lorsque je me force à être polie, ça a un
effet incroyablement dévastateur sur mon bien-être émotionnel. Comme vous avez
pu le remarquer, je crie et je jure. C’est un genre de catharsis pour moi de
manquer de politesse. Lorsque je dois me contenir, la colère devient plus
profonde et me laisse anxieuse et au bord des larmes, frustrée. Je me maîtrise,
et c’est vraiment horrible pour moi. Ce n’est pas étouffé, mais restreint, et
ça me bouffe.
Et souvent, à cause de ça, je
n’affronte pas la situation, parce que ce sais exactement comment ça va être
pour moi. Et là, je suis effectivement réduite au silence.
Ceci est en partie exacerbé par
une croyance diffuse que tout est sujet à débat. Et que le débat doit être mené
cordialement et avec civilité, se terminer sur un accord ou au moins sur un
accord poli sur le fait de ne pas être d’accord. Pour les privilégiés, c’est
assez facile de considérer l’oppression comme une sorte de jeu intellectuel ou
tout au plus une question sur laquelle être en accord ou en désaccord. Pour
ceux qui vivent les oppressions, ce n’est pas aussi facile et ce n’est pas un
satané jeu. Alors on est pointés comme trop émotives à propos de sujets sur
lesquels nous n’avons pas le luxe de pouvoir couper nos ressentis. Nous
affrontons ça tous les jours, tandis que l’existence même de cette situation
constante est niée par ceux qui se prétendent de notre côté.
J’ai l’impression d’avoir sué
jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour écrire à quel point nous avons
réellement besoin de nettoyer notre arrière cour de toute cette merde avant de
pouvoir avancer, et pour ce faire, il faut affronter les choses.
Cette fois je vais présenter le
même argument que j’ai confronté des dizaines de fois aux hommes de gauche qui
ont fait preuve de sexisme.
Si vous voulez l’unité de la
gauche, alors commencez à écouter celles que vous avez (sans doute sans vous en
rendre compte) salies à plusieurs reprises. Ecoutez et soyez des alliés. Cela
m’attriste lorsque je ressens une espèce de gratitude pathétique envers les
hommes qui agissent comme de bons alliés. Cela devrait être la norme et non
l’exception.
Non seulement le sexisme est
aliénant pour bien des personnes mais,
en plus, rien n’est aussi diviseur pour un mouvement que lorsqu’on déconsidère
(probablement sans s’en rendre compte) la moitié de ses membres.
Hommes de gauche, essayez d’être
mieux que ça. Le combat féministe n’est pas une option de la lutte de classe,
et le sexisme n’est pas un « petit » problème, parce que tout est
intimement lié. Si votre révolution n’a qu’une dimension, alors je n’ai pas
envie d’en faire partie. Acceptez de considérer que vous avez tort, et acceptez
de devoir vous corriger. Cela nous renforcera, au contraire de nous affaiblir.
Soyez cohérent et réfléchissez, prenez conscience de votre propre part d’ombre
et abolissez-la.
Je veux à mes côtés des hommes
que je serai fière d’appeler mes camarades, et pour l’instant ils sont trop peu
nombreux. Nous avons un monde à conquérir, et je voudrais que ce soit
affrontable de s’organiser avec vous. Je fais partie de celles qui se sentent
capables de le dire, mais il y en a tant qui n’y arrivent pas, étouffées par le
sexisme de tout côté.
En vérité, il n’y a rien d’aussi
important que de travailler contre le sexisme. C’est une question vaste et
structurelle, qui, comme telle, requiert de vastes efforts pour en abattre la
logique. Moi-même je n’en fais pas assez. Peu importe à quel point, c’est déjà
lourd, en tant qu’individu, mais ce n’est cependant pas assez. Si vous êtes des
hommes « alliés », acceptez que vous n’aurez pas des caresses sur vos
têtes pour les bons services rendus, si vous faites cela pour avoir des
louanges, allez au diable.
Nous pouvons réellement gagner
cette bataille qui se joue sur plusieurs fronts, mais ce ne sera possible que
si nous reconnaissons sa nature combinée et que nous commençons à défier nos
propres privilèges et erreurs sur le terrain le plus important ; à l’intérieur
de nous-mêmes.
traduction pour http://sexismesagauche.blogspot.be/
Bonjour
RépondreSupprimerContrairement à ce que tu écris, c'est une option de la lutte des classes :
Lire ci-dessous Marx - gazette rhénane - 1842 :
..La révolution prolétarienne, qui supprime l’exploitation et les inégalités sociales, abolit l’antagonisme des sexes et l’assujettissement de la femme. Une chaîne millénaire se rompt : en se rompant, elle libère et rend à la dignité la moitié du genre humain.
Dans sa maternité honorée et protégée, dans ses enfants assurés de leur avenir, dans le travail auquel dorénavant elle aura accès sur un pied d’égalité absolue avec l’homme, la femme puisera un sentiment de confiance et de fierté, elle affirmera son indépendance, elle développera sa personnalité.
Lorsque chaque individu pourra donner libre cours à ses aspirations les plus nobles, l’amour sexuel s’affranchira de la bestialité. Le couple humain se réconciliera et s’assortira dans la plénitude de l’amour réciproque et dans la compréhension mutuelle.
Face aux idéologies ouvertement rétrogrades ou faussement progressives, le marxisme indique à la femme la voie révolutionnaire, qui la conduit à son affranchissement.
Ici comme ailleurs, il affronte les préjugés et les routines, chez celles-là mêmes qu’il veut libérer. Trop de femmes, façonnées par une tradition de servitude, acceptent leur infériorité sociale. « Il me plaît d’être battue », disait la femme de Sganarelle, qui se vengeait d’ailleurs aussitôt de son mari…
Le marxisme, ennemi implacable de toute mystification, dénonce les prétendus chevaliers de la femme, les sirènes d’un romantisme anachronique, les bardes attardés de la femme-enfant, de la femme-Pythie, les augures qui la hissent sur un trépied, afin de la soustraire aux luttes libératrices du monde réel.
(Michelet est le prototype de ces thuriféraires de la femme, qui la glorifient, mais la déclarent soumise aux fatalités de la nature, et impropre au travail. Pour ne pas ternir sa pureté, ils la bannissent de la vie sociale et condamnent à la servitude du ménage « l’ange du foyer ». Michelet, dans L’Amour, écrit : « Que peut-on sur la femme dans la société ? Rien. Dans la solitude ? Tout. »)
Car la philosophie idéaliste exalte « l’éternel féminin » et l’assoit sur un trône de nuages, pour mieux éterniser l’esclavage de la femme sur la terre.Que d’ennemis à combattre ! ]....
Bien à vous
Lionel Cattaux
Bonjour,
RépondreSupprimerl'auteur de cet article, Stavvers, indique que "ce n'est pas une option dans la lutte de classe" dans le sens que ce n'est pas quelque chose d"optionnel", que ce n'est pas quelque chose de superflu par rapport au reste.
Pour le reste, bien sur que c'est une partie (option dans le sens "part de") essentielle de la lutte de classe, c'est bien ce que beaucoup d'hommes de gauche semblent "comprendre intellectuellement" mais n'arrivent pas à appliquer dans les faits.