Nous reproduisons
ici des passages d’un article de Laura McKeon qui pointe le besoin de mettre la
question féministe et la question démocratique au cœur des débats pour de
nouvelles formes d’organisation.
Laura McKeon
Le tremblement de terre qui est en train de
secouer le SWP n’a rien à voir avec le sexisme. En temps de crise, le sexisme
est tout au plus un outil politique utile. Comme à chaque fois, les choses
explosent lors des congrès, le scandale est enterré, et des membres honorables
du parti le quittent, outragés, et il n’y a aucune façon pour nous de connaître
les véritables raisons de ces départs. En tant qu’extérieurs, nous n’avons pas
accès à cette information. Nous pouvons spéculer sur le fait que la crise ai
mis en lumière des problèmes culturels tels que le sexisme et le manque de
démocratie, ouvrant le dialogue et créant une opportunité de changement. Mais il
est difficile d’imaginer des changements significatifs sur ces thèmes sans une
implosion complète du parti, ce qu’espèrent et attendent ceux qui observent les
choses de leurs tranchées.
Ceux qui restent sympathisants du SWP peuvent
être pardonnés de penser que celui-ci vit une période d’introspection, qu’il a
ouvert les yeux sur certains problèmes systémiques grâce aux récentes scissions
et désordres. Nous aimerions croire que de grandes questions sont actuellement
en discussion ; la démocratie, la transparence, le sexisme. Il est louable
de penser que ce sont ces problèmes flagrants qui sont la cause des divisions
au sein du parti et que le fait d’avoir une organisation efficace,
professionnelle et responsable est la priorité partagée par tous les membres.
C’est en tout cas la priorité en laquelle j’ai cru pendant des années et la
plus grande ambition de mon implication politique pendant de nombreuses années.
Et je pense que c’est le cas pour un grand nombre de membres des organisations
socialistes. Nous voulons tous du professionnalisme. Au cœur du parti, chez les
membres du comité central et les permanents, les divisions ne sont cependant
pas d’ordre professionnel. Lorsque quelqu’un arrête d’être politiquement utile
pour ses camarades et collègues du parti, c’est alors qu’il commence à être la
cible de critiques, et jamais avant.
Pendant des années, Martin Smith a cassé des
membres, a comploté, manipulé, réduit au silence ses camarades, mais tant qu’il
était prêt à partager le niveau de contrôle qu’il s’était approprié avec
certains individus, aucune remise en question n’était abordée à son propos.
(…)
Le scandale dont on a beaucoup parlé était bien
connu des membres du parti depuis longtemps, et a fait l’objet de grandes
controverses. Pourquoi a-t-il fallu attendre jusque maintenant pour que
l’information arrive dans d’autres groupements de gauche ? Lorsqu’ils ont
formé « Counterfire » (une précédente scission du SWP, NdT) où
étaient les articles qui traitaient de la question du sexisme et qui appelaient
à d’autres formes d’organisations ? Où étaient les discussions théoriques
qui faisaient le lien entre les incidents d'intimidation et d'agression
sexuelles et la situation sociale plus générale des femmes ? Où était la
critique de gauche ? Où était le féminisme ?
J’ai quitté mon parti à cause du sexisme (entre
autres choses). Mais le départ d’une femme n’est pas une information importante
sauf si c’est une femme « importante » qui le fait.(…) Je me
demande combien de militantes déçues quittent des groupes radicaux chaque année
à cause du sexisme. Je suppose que le nombre annuel doit dépasser la somme des
membres de Counterfire et de l’ISG (International Socialist Group). Le truc
c’est qu’elles n’ont pas un leader charismatique pour les rassembler (et
certaines sont tellement traumatisées par leur expérience qu’elles retournent
leur colère sur d’autres).
(…)
Donc nous avons quitté le parti, pour des raisons
qui ont selon nous tout à voir avec le harcèlement, le sexisme, la frustration
du manque de démocratie, et nous avons formé l’ISG. Nous étions unis par
notre désir de travailler en liberté, et non sous les ordres donnés par
Londres, en égaux, dans un nouvel environnement d’ouverture et progressiste,
afin que les problèmes criants que nous avons eu à l’intérieur du parti
puissent être discutés ouvertement. Nous pensions que cette discussion nous
amènerait à travailler d’une nouvelle façon. Nous avions tort. L’ISG s’est
formé pour certaines raisons. L’International Socialist Group s’est formé parce
qu’un petit nombre de membres et de militants du parti, pour la plupart des
hommes, y virent une opportunité de s’approprier un contrôle, et de se
soustraire à l’influence des camarades plus anciens dans leur participation au mouvement
« anti-cuts movement », et de former un parti dont ils seraient le centre.
Tout était contrôlé depuis le début ; un
groupe d’individus, avec un accès à l’information et qui l’ont allègrement
cachée à leurs camarades pendant des années, ont organisé notre sortie du
parti. Ils avaient déjà sélectionné les membres du groupe et débauché un
permanent alors que la plupart d’entre nous nous demandions envers que ce qui
allait se passer.
(…)
Ma conviction est que l’ISG était largement
enthousiasmant au démarrage. Comme beaucoup d’autres, j’y ai vu une nouvelle
opportunité pour une participation plus importante et plus d’ouverture. C’est
vrai qu’à ce moment-là, il était devenu possible d’avoir des discussions qui
semblaient impossibles avant. Tout d’un coup, on pouvait parler de sexisme, et
il apparut que c’était un cas central pour beaucoup de militants du parti. Mais
ces discussions se tenaient au Pub ou dans la maison de l’un ou de l’autre, et
c’est encore le cas maintenant.
Au meeting de fondation de ce qui est devenu l’ISG,
beaucoup de griefs ont été cités comme ne devant plus jamais pouvoir se
développer. Je me souviens d’un camarade qui est intervenu pour dire qu’il y
avait dans la salle beaucoup de personnes qui avaient occupés des postes de
responsabilité lorsque certaines des dissimulations et des manipulations les
plus honteuses avaient eu lieu dans le parti, et que ces personnes devraient
être confrontées au rôle qu’elles ont joué. Il y a eu un murmure d’approbation
dans la salle ; approbation encore plus fermement exprimée de la part des
personnes mêmes auxquelles on faisait référence. C’est la dernière fois qu’on
en a parlé de ce sujet. Cette rencontre et les rencontres suivantes auxquelles
j’ai assisté, ont eu le même déroulement prévisible que les meetings du SWP. Ce fonctionnement qui donne l’impression qu’un
petit groupe de camarades se sont mis d’accord avant pour pouvoir diriger la discussion.
Le sexisme n’était pas à l’ordre du jour de ces rencontres.
On a pauvrement tenté une discussion sur le
mouvement des femmes lors du premier jour de l’Ecole de formation et la tentative audacieuse de tenir une journée non
mixte lors de cette école fut boycottée par bien des membres. Bien que l’ISG ai
produit quelques articles inspirant sur les questions féministes et que la série
‘Women on the Left‘
était vraiment bien faite, le site de l’ISG ne compte que très peu d’analyses
féministes, et ceux-ci ne sont jamais l’œuvre de camarades hommes. A cela
s’ajoute le nombre honteusement élevé d’agressions sexuelles qui ont lieu dans
les cercles militants.
Bien sûr, je ne blâme pas l'ISG pour ce manque,
mais j’ai cette impression que ça se passe sous leur nez. L'ISG devrait au
contraire fournir un excellent exemple de la façon d'aborder cette question si
l'on veut laisser derrière nous l'opacité du SWP et être à la hauteur de la
réputation retrouvée.
Pour moi, c’est impensable sans la création d’une
structure collaborative et sans un soutien fort au comité des femmes, ce qui a
été une pratique courante des organisations troskystes à une certaine époque.
Si les femmes qui sont constamment sapées et exposées à la violence n'ont pas
d'espace pour s'exprimer librement sur les problèmes auxquels elles sont
confrontés et pour discuter de l'organisation et du sexisme, cela équivaut à
faire taire les femmes sur ces questions. Le groupe perd alors toute
revendication à être « démocratique » puisqu’il y a déjà une limite à
l’implication des membres femmes. Les gens comme Martin Smith ne sont pas des
monstres uniques, exceptionnels avec un besoin pathologique de pouvoir ;
ils sont le produit de notre système organisationnel corrompu. Ils nous
agressent et nous exploitent parce que non seulement nous les laissons faire,
mais en plus nous sommes activement engagés dans une culture qui les encourage
à le faire.
(…)
Mon plus grand espoir pour l’ISG est que des
membres femmes réalisent le lien direct qu’il y a entre l’existence du sexisme
et le manque de démocratie dans le parti. Et qu’à partir de ce constat, elles
soutiennent des réseaux et des façons de travailler qui leur protègent contre
l’influence et le contrôle des hommes mégalomanes. C’est, après tout, ce
dont la gauche a le plus besoin.
Article original : The Best ThingGoing? A Feminist Critique of the ISG
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