Patricia Garcia
On constate depuis quelques années une nouvelle tendance parmi
certain-e-s camarades de la gauche anticapitaliste. On pourrait
qualifier cette tendance de « nouveau machisme-léninisme » car il
constitue une réaction régressive face aux avancées et aux améliorations
de la position des femmes dans la société.
Le machisme au sein des organisations anticapitalistes n’est
absolument pas une chose nouvelle. Rappelons, par exemple, les
polémiques entre Lénine et Clara Zetkin ou avec Alexandra Kollontaï [1].
Le nouveau machisme au sein de la gauche radicale est la réaction de
certain-e-s militant-e-s révolutionnaires face aux changements qui
s’opèrent dans les rapports de genre, dans la structure familiale et,
particulièrement, face à l’institutionnalisation d’un certain féminisme
libéral. Il s’agit d’une attitude idéologique qui provient directement
des tripes : de la perte effective de privilèges masculins et des
nouvelles exigences posées par leurs camarades femmes, dans le parti ou
dans la vie.
Le machisme-léninisme se caractérise par l’acceptation abstraite du
féminisme, il accepte le « travail femme » réalisé par des femmes et
tolère ses camarades féministes comme un « moindre mal ». Par contre,
ces militant-e-s ne s’engagent pas trop dans les activités liées à la
question du genre. Ce dernier est à leurs yeux le domaine exclusif des
femmes. De la même manière, et en dépit d’une formation marxiste
« pointue », ces militant-e-s ne prendront jamais la peine de lire une
seule page de littérature féministe marxiste (Alexandra Kollontaï, Heidi
Hartmann, Maria Rossa dalla Costa, Sheila Rowbotham, Giulia Adinolfi,
Batya Weinbaum, Angela Davis et un long « etc. »).
Le nouveau machisme-léninisme se base sur des sources d’information variées ; depuis « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat » (Engels), « La Femme et le Socialisme » (Bebel) et jusqu’aux articles misogynes de la presse réactionnaire de type « LibertadDigital ».
Le machisme-léninisme n’est bien sûr pas « politiquement correct » ;
il ne se manifeste pas au travers d’écrits publics. La question de
l’égalité des genres ne mérite d’ailleurs pas un tel effort à ses yeux.
De là découle qu’il s’agit d’un corpus de croyances essentiellement
orales et pratiques.
Face au machisme-léninisme, nous devons revendiquer la convergence
positive entre le féminisme et le marxisme, entre le féminisme et
l’anticapitalisme. Notre propre tradition historique nous offre des
références positives de luttes pour l’émancipation des femmes et de la
classe ouvrière. Sans aller plus loin, Marx et Engels - avec toutes
leurs limites – furent des pionniers dans la dénonciation de la
subordination des femmes articulée par le capitalisme.
Nous allons dresser ici un inventaire critique de l’argumentaire du
nouveau machisme-léninisme. Il convient de souligner que notre intention
n’est pas de qualifier tous les militant-e-s révolutionnaires de
« machistes », bien au contraire. Notre propre expérience nous a
démontrée la possibilité de converger et de partager des complicités
avec la majorité des camarades. En conséquence, nous sommes convaincues,
au contraire d’un certain secteur du féminisme post-68, que la présence
de féministes dans les organisations mixtes est tout autant possible
que nécessaire. C’est précisément les tares du machisme qui rendent
cette unité difficile.
Passons maintenant à la critique de ces arguments…
Argument nº 1 : « Les femmes ont déjà obtenues l’égalité formelle et réelle, le patriarcat n’existe plus ».
Parmi les motivations du nouveau machisme de gauche, l’idée la plus
faible est sans doute celle selon laquelle « les femmes ont déjà
obtenues l’égalité parce que le modèle de femme-épouse-ménagère est sans
cesse plus résiduelle ». Le nouveau machisme accepte en théorie
l’émancipation des femmes, leur sortie de l’espace privé, mais il a
quelques problèmes lorsqu’il s’agit d’en assumer les conséquences. Les
données qui démontrent que l’argument selon lequel les femmes ont déjà
acquises l’égalité sont nombreuses. En voici quelques unes :
- L’écart salarial entre les hommes et les femmes dépasse 21% en 2010 (il varie en fonction du type de contrat, de durée du travail, de l’activité productive, etc.) [2]
- Au cours de ces 10 dernières années, le chômage féminin a atteint 11% face à 6% pour les hommes. (Enquête sur le Population Active, EPA).
- Le taux d’activité des femmes était de 52,6% en 2010, et pour les hommes de 67, 7%. (un chiffre qui masque bien entendu le travail domestique).
- 8,2% des foyers dont le « chef » de ménage est une femme souffrent de la pauvreté face à 1,7% des foyers dont le « chef » de ménage est un homme (2001).
- 95,6% des personnes inactives qui ne cherchent pas un emploi pour cause de raisons familiales sont des femmes (2010, EPA).
- 88,4% des personnes qui souffrent de violence domestique sont des femmes (chiffre de 2005, Institut de la Femme).
- En 2010, 73 femmes ont été tuées par leur (ex) mari ou (ex) compagnon, contre 7 hommes assassinés (Chiffre de l’Observatoire contre la Violence Domestique et de Genre).
Ces données sont suffisamment claires et balayent l’affirmation selon
laquelle les femmes auraient obtenues l’égalité réelle par rapport aux
hommes, ce qui d’autant moins vrai parmi les femmes des classes
populaires. En conséquence, il est aujourd’hui plus que jamais
nécessaire que le mouvement ouvrier intègre la question des femmes
travailleuse dans ses luttes spécifiques.
Argument n°2 : « Le féminisme divise la classe ouvrière. C’est une idéologie bourgeoise ».
Concernant ce second argument du machisme-léninisme, il y a deux
questions importantes à préciser. Comme nous le savons tous-tes,
l’origine du féminisme est le mouvement des « suffragettes » et la
revendication des droits civils pour les femmes (Mary Wollstonecraft).
L’origine du féminisme est donc, effectivement, « bourgeois ».
On pourrait d’ailleurs dire la même chose du socialisme précoce
(Saint Simon, Fourier, Proudhon… étaient également d’origine sociale
bourgeoise ou petite-bourgeoise).
Cependant, l’extraction sociale des
précurseurs d’un mouvement ne détermine pas inexorablement sa nature de
classe future. Et ce qui vaut pour le socialisme, vaut pour le
féminisme. En outre, de même qu’il existe un socialisme ouvrier au XIXe
siècle, il existe également un féminisme populaire à cette époque et il
est habituellement passé sous silence. Un exemple typique est celui de
Flora Tristan (1803-1844) qui a revendiqué les droits des femmes
travailleuses. On peut parler d’un féminisme populaire et socialiste de
manière très précoce, même s’il reste encore beaucoup de travail à
réaliser du point de vue de l’historiographie afin de mettre en lumière
la participation spécifique des femmes à la formation du mouvement
ouvrier. En passant sous silence ou en méconnaissant ce féminisme
populaire et ouvrier, on fini par faire le jeu des courants libéraux
dont on prétend vouloir se démarquer.
Partant de l’identification du féminisme avec le libéralisme et la
bourgeoisie, le militant machiste-léniniste considère que les luttes des
femmes (en tant que genre) divisent la classe ouvrière. Les données
exposées plus haut rendent évidente la réalité crue : la classe ouvrière
est déjà divisée et c’est le capitalisme qui la divise car il renforce
et reproduit l’inégalité entre les genres en fonction de ses intérêts.
Ainsi, l’objectif du mouvement ouvrier doit être ; a) de surmonter ses
propres préjugés machistes et b) d’être capable d’articuler les luttes
d’émancipation car les femmes constituent la moitié des travailleurs.
En somme, la tâche du mouvement ouvrier devrait être d’articuler les
luttes et de combler les divisions et les fractures que le capitalisme
dresse entre nous. Ce ne sont pas les femmes travailleuses, avec leurs
revendications, qui créent ces fractures, elles les affrontent au
contraire et les articulent dans une dynamique d’unité. Il est donc
erroné – d’un point de vue tactique et stratégique – d’envisager que le
féminisme est essentiellement bourgeois et que les luttes spécifiques
des femmes divisent la classe travailleuse. C’est le capitalisme qui
divise et qui tire profit de cette fragmentation.
Argument nº 3 : « Les luttes spécifiques des femmes excluent les hommes »
Cette affirmation découle, à nouveau, d’une vision réductionniste du
féminisme. Il existe des secteurs du féminisme (le courant « radical »
ou « différencialiste ») qui revendiquent positivement les valeurs de la
féminité et qui conçoivent leur lutte comme une lutte contre le
masculin (indépendamment de sa classe, ethnie, nation, etc.). Mais il ne
s’agit que de fractions du féminisme et non de sa totalité. En aucun
cas, le courant socialiste ne conçoit sa stratégie « contre les
hommes ». Notre objectif est d’obtenir l’égalité réelle entre les sexes,
d’en finir avec les inégalités et les oppressions qui découlent d’une
société patriarcale et de la structure des genres. Comme le disait
Kollontaï : il s’agit de parvenir à l’autodétermination réelle de tous
et de toutes.
En conséquence, non seulement les hommes n’en sont pas « exclus »,
mais ils font partie intégrante de notre stratégie de transformation. De
fait, eux aussi bénéficieront dans un certain sens de la fin de la
société patriarcale. Le corset du genre ne les opprime-t-il donc pas ?
Les hommes n’ont-ils donc pas le droit de s’épanouir dans des sphères
comme la paternité, l’émotivité et les soins aux personnes ? Pour les
féministes socialistes, il s’agit d’une lutte partagée, bien que
l’initiative et la direction en incombe aux femmes, qui sont celles qui
souffrent de l’oppression d’une manière incomparable du fait de la
distribution inégale des charges dans la reproduction de la vie.
De la même manière que dans la lutte des travailleurs-euses
migrant(e)s tous les travailleurs doivent être impliqués, tout on ne
déniant pas aux premiers l’initiative parce qu’ils sont ceux qui
connaissent le mieux leur situation ; les espaces non mixtes pour les
femmes sont nécessaires afin d’élaborer des stratégies à partir de leur
propre expérience, ce qui n’empêche nullement que nous ayons là aussi
besoin de l’engagement du reste des travailleurs-euses.
Il correspond aux camarades hommes de réclamer leur participation
active dans cette lutte et cela n’arrivera que lorsqu’ils atteindront un
niveau de conscience et d’engagement suffisant contre le patriarcat.
Tant que ce n’est pas le cas, les machistes-léninistes se limitent à
s’auto-exclure et à « laisser les choses des femmes aux mains des seules
femmes ». Les bons marxistes rejoignent notre cause parce qu’ils
comprennent que l’émancipation par rapport au système-genre bénéficiera à
la classe dans son ensemble.
Argument nº 4 : « Dans nos organisations, on ne discrimine pas les femmes. Nous ne reproduisons pas les dynamiques patriarcales ».
Croire en la pureté et en la neutralité de sa propre organisation est
un signe d’idéalisme. Nos organisations mixtes, comme toutes les
institutions de la société, sont traversées par la lutte des classes et
aussi par les modèles dominants de rapports patriarcaux. Les femmes et
les hommes qui rejoignent ces organisations le font avec un bagage de
socialisation qui repose sur l’intériorisation de valeurs et de rapports
de pouvoir qui agissent à un niveau très inconscient.
Cela n’arrive pas fréquemment que nos camarades hommes nous traitent
comme de simples objets sexuels ou nous font dégringoler dans un rôle de
subordonnées (bien que certains hommes fassent effectivement cela).
Cependant, les structures de nos organisations peuvent reproduire les
inégalités de genre préexistantes si nous ne faisons rien pour l’éviter.
Dans ce cas ci, ne rien faire importe. Et beaucoup.
Etre conscients de cette réalité signifie de prendre des mesures pour
la changer. C’est pour cela que l’action positive, les politiques de
quotas, le renforcement de la participation des femmes ou les activités,
campagnes et formations sur les thématiques de la lutte contre le
patriarcat sont fondamentales. Je partage avec beaucoup de camarades une
insatisfaction vis-à-vis du système des quotas et des « listes
crémaillères ». Mais cela ne peut pas conduire à ne rien faire, au
« laissez-faire ». Les systèmes « méritocratiques », prétendument
neutres et aveugles par rapport aux distinctions de classe ou de genre,
ne font en réalité rien d’autre que reproduire l’inégalité préexistante.
Depuis quand, d’ailleurs, sommes-nous partisans du « laissez-faire » ?
Faisons-nous confiance à la « main invisible » ou au marché pour diluer
les inégalités sociales ? Après deux siècles de capitalisme, cela ne
s’est encore jamais produit.
Ne rien faire par rapport à un problème ne signifie pas qu’on y fait
face mais bien qu’on le laisse de côté. C’est pour cela que la lutte
contre le patriarcat ne peut pas rester dans le domaine du discours et
doit imprégner également nos pratiques. A défaut d’instruments plus
parfaits contre les divisions de classe et de genre (y compris au sein
de nos propres organisations), nous devons nécessairement utiliser les
quelques instruments dont nous disposons : l’action positive,
l’ouverture d’espaces sectoriels de lutte contre le patriarcat, la
promotion active de la participation des femmes. Les instruments
d’action positive interne ont un certain nombre d’avantages ;
- Ils aident à valoriser le travail des camarades femmes
- Ils créent des référents féminins
- Ils démentent les stéréotypes comme « les quotas augmentent les charges pour des personnes moins qualifiées »
- Ils améliorent et rendent plus efficaces les processus d’élection et/ou de sélection des charges et des responsabilités
- Les femmes augmentent leur confiance et formation vis-à-vis de l’accomplissement de fonctions
Nous devons passer du discours à la pratique. En définitive, les
organisations doivent prendre en compte et affronter une tare historique
qui a également des conséquences formelles et inconscientes dans les
espaces de lutte.
Argument nº 5 : « Les hommes sont persécutés, on a supprimé notre présomption d’innocence. Les hommes souffrent de la violence de genre autant que les femmes ».
Bien souvent, les conversations sur les rapports entre le féminisme
et le marxisme conduisent à des questions d’actualité comme la violence
de genre, le divorce, la tutelle parentale ou l’avortement. Le
machiste-léniniste met souvent sur la table une série d’arguments et de
données qui semblent provenir tout droit de « Intereconomia » ou de « Libertad Digital »
(médias réactionnaires espagnols, NdT). Ces données sont censées
démontrer comment la tendance historique se serait inversée à cause du
féminisme institutionnel : aujourd’hui, ce sont les hommes qui sont
opprimés par les femmes. Ce sont eux qui sont, aujourd’hui, les victimes
du matriarcat. Dans ce même acabit, il n’est pas rare d’entendre des
choses comme « aujourd’hui les hommes sont persécutés » ; « on ne
respecte pas notre présomption d’innocence » ; ou encore « les hommes
souffrent encore plus de la violence de genre ».
La législation récemment introduite par le gouvernement de Zapatero
(« LO 1/2004 : Mesures de Protection Intégrale contre la Violence de
Genre ») a ouvert le débat sur l’affaiblissement de la présomption
d’innocence et des fausses plaintes dans les cas de violence machiste.
Il suffit d’une brève recherche avec Google pour trouver des centaines
d’entrées sur la question des fausses plaintes prétendument utilisées
par les femmes. Il est possible que de tels cas individuels surviennent,
mais les données démontrent que le nombre de fausses dénonciations pour
faits de violence de genre n’est pas supérieur à celles que l’on peut
trouver pour d’autres délits. Ainsi, en 2010, on a calculé que seulement
0,01% des plaintes pour violence de genre étaient fausses (données du
Ministère de la Justice, 2010). Ce débat ne mérite donc pas qu’on s’y
attarde : le nombre des fausses plaintes est minime.
En outre, on argumente souvent que les procès de cas de violence de
genre entraînent une inversion de la charge de la preuve au détriment du
maltraiteur [3]
et qu’on "vulnérabilise" la présomption d’innocence. A la lecture de la
Loi Intégrale sur la Violence de Genre elle-même, ces accusations sont
inexactes [4].
Si nous lisons bien cette loi – chose qu’on ne fait pas souvent – on
constate que dans la procédure judiciaire le traitement des preuves suit
la même voie que dans tout autre procès au pénal. Les seules
spécificités sont les mesures judiciaires de protection et de sécurité
de la victime (éloignement, suspension de la tutelle paternelle, etc.)
et le durcissement des peines pour agression. Concrètement : on active
une procédure judiciaire rapide et le juge de garde adopte des mesures
de précaution pour le risque qu’assume la victime de mauvais
traitements. Ces mesures de précaution, préalables au jugement, sont
justifiées par la possibilité d’une réédition de la violence. Il suffit
de rappeler le cas d’Ana Orantes [5]
qui fut brûlée vive par son mari après s’être plainte auprès de la
justice et dans les médias. De là découle la nécessité d’adopter des
mesures de précaution efficaces. Il peut se produire des excès, comme
dans tout procès au pénal, mais on ne peut pas conclure qu’il existe une
"vulnération" de la présomption d’innocence ou un quelconque type de
persécution.
Une autre question, intéressante celle-là, serait d’évaluer dans
quelle mesure une loi comme celle-ci contribue à en finir avec la
violence de genre. La loi s’attaque effectivement à une situation
désespérée et critique : le féminicide et la violence machiste dans les
relations de couple. Cependant, à partir du féminisme socialiste, nous
comprenons que c’est insuffisant, qu’il faut aller à la racine des
choses.
Tant que les femmes subiront des situations de vulnérabilité,
d’inégalité et de dépendance, la violence dont nous souffrons sera un
fait quotidien. C’est ce que Zizek appelle la violence subjective et la
violence objective. La première est celle qui dépasse le niveau de
normalité, le niveau 0 de violence ; par exemple l’assassinat d’une
femme par son ex-compagnon. La violence objective est celle qu’exerce
quotidiennement le système : c’est la surexploitation, la double journée
de travail, la réduction à un simple objet sexuel, la domination
psychologique, etc. Tant que nous ne supprimerons pas cette violence
subjective ou structurelle dont souffrent les femmes jour après jour,
les mauvais traitements continueront d’être la pointe de l’iceberg car
ils sont la conséquence d’une domination préalable, prolongée et
cumulative.
Il est urgent, dans ce cadre, que le féminisme socialiste fasse une
dure critique du féminisme institutionnel. Le nombre annuel de femmes
assassinées par leurs maris n’est rien d’autre que le symptôme d’une
oppression beaucoup plus silencieuse et profonde : un système de
domination intimement lié au mode de production et de reproduction.
Cependant, l’insuffisance du féminisme institutionnel (encore plus dans
le contexte de la globalisation capitaliste qui réduit la capacité
d’intervention des pouvoirs publics) n’entraîne pas le rejet des
réformes positives. La Loi sur la Violence de Genre est insuffisante
mais elle n’est pas mauvaise en soi.
De la même manière, sur le terrain
du travail, nous revendiquons les 35 heures même si cela nous semble
insuffisant pour en finir avec l’exploitation. Les marxistes doivent
appliquer cette même dialectique de la réforme et de la révolution, du
programme minimum et maximum, lorsqu’il s’agit d’affronter la question
de la lutte contre le patriarcat.
En guise de conclusion : pour une approche marxiste du système sexe-genre
Bien entendu, les rapports entre le marxisme et le féminisme, tant
dans la théorie que dans la pratique, ont souvent été des rapports
conflictuels. Comme le disait déjà Heidi Hartmann, il s’agit d’un
mariage malheureux. Le marxisme est une méthodologie pour comprendre et
transformer la société capitaliste. En conséquence, aborder la question
du patriarcat et des rapports de sexe-genre est une nécessité
incontournable pour toute politique émancipatrice.
Quand le capitalisme industriel a émergé, il s’est trouvé avec un
système de sexe-genre qui subordonnait les femmes comme une simple
propriété du père de famille. Cette structure de rapports préexistants
est entrée en friction avec le capitalisme, elle fut remodelée par lui
et est aujourd’hui complètement subsumée par la logique du capital. Ce
dernier utilise la domination de genre pour surexploiter, diviser, se
reproduire et alimenter son contrôle idéologique. Le patriarcat, ou le
système de domination du sexe-genre masculin sur le féminin est une
structure de rapports matériels, économiques et idéologiques ; des
rapports qui sont toujours en vigueur – même s’ils sont soumis à la
critique – dans les pays impérialistes. Les données déjà citées en
témoignent.
Ce que nous appelons le nouveau machisme-léninisme est une attitude
réactionnaire et idéaliste qui nie cette réalité. Avec le prétexte que
le féminisme serait une idéologie bourgeoise, il ignore le système de
domination de genre qu’à articulé – et que continue à articuler – le
capitalisme. Il ignore les processus plus fondamentaux de production et
de reproduction de la vie et leur insertion dans la logique du capital.
Il ignore et fait obstacle à l’émancipation des femmes travailleuses. Ce
n’est seulement qu’en prenant au sérieux l’articulation de classe et de
genre que nous pourrons offrir une issue sensée et émancipatrice à
l’autre moitié des travailleurs. Ne permettons pas, cette fois encore,
que le capitalisme nous divise.
Source :
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera
[1] (1)
En 1920, Clara Zetkin a rencontré Lénine et l’a informée de
l’organisation des prostituées et des activités de formation en
éducation sexuelle et matrimoniale avec les ouvrières allemandes. Au
cours de l’entrevue, Lénine a qualifié sans détours de « déviation
malsaine » le travail mené avec les prostituées et a traité avec mépris
le travail d’éducation sexuelle et familiale avec les ouvrières. Ces
activités, selon lui, étaient une perte de temps. Voir dans WEINBAUM,
B. : « El curioso noviazgo entre feminismo y socialismo », S. XXI,
Madrid, 1984.
[2] Enquête de Structure Salariale, juin 2010, Institut National de Statistiques.
[3] Et
nous disons « maltraiteur » au masculin, parce que l’immense majorité
des agresseurs dans le cadre intrafamilial, dans les couples ou dans les
ex-couples, est constitué par des hommes. Bien que les estimations
soient très controversées (voir, par exemple, Raquel Osborne, « De la
violencia de género a las cifras de la violencia : una cuestión
política »), il est évident que les femmes souffrent majoritairement des
mauvais traitements dans le couple ou l’ex-couple, de là le fait qu’en
2010, 73 femmes ont été assassinées par leur compagnon ou ex-compagnon
contre seulement 7 hommes.
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