Pourquoi ce blog

Ce blog a pour but de  réunir les articles, les témoignages, les réalités concernant le sexisme dans les organisations et mouvements de gauche. 

La violence faite aux femmes est multiforme ; viol, harcèlement sexuel, moral ou psychologique, humiliation, discrimination en tous genre... L’existence de cette violence est une dimension indispensable à la domination masculine et elle se développe y compris dans les milieux dit progressistes, voire radicaux, en y prenant certaines formes spécifiques encore aujourd’hui peu étudiées.

Cette violence est étroitement et dialectiquement liée à un « sexisme ordinaire » qui lui rend le terrain fertile et permet son développement en toute impunité. Ce sexisme ordinaire entraîne la situation paradoxale que l’on rencontre souvent dans toute la société : à savoir la défense de l’homme agresseur et la diabolisation de la victime. Or, c’est précisément cette défense et protection des auteurs de ces violences faites aux femmes qui force ces dernières à supporter ce sexisme ordinaire (quand ce n’est pas à s’en faire les complices passives ou actives), puisqu’en cas de résistance, la violence peut être au bout de chemin pour réprimer celles qui ne se plieront pas à l’usage établi.

Combien de militantes femmes dans les organisations  révolutionnaires dites « féministes » ont-elles eu à subir l’une ou l’autre de ces formes de violence et ce sexisme ordinaire ? On ne le saura sans doute jamais, tant il règne dans la plupart d’entre elles une véritable « omerta », une loi du silence sur ce genre de cas. Même dans les cas des violences sexuelles les plus graves, il a fallu parfois attendre des années avant que les agresseurs ne soient connus et dénoncés. En outre, le culte du secret qui règne dans ces organisations, sous prétexte de sa « sécurité » et de sa « réputation » fait en sorte que ces affaires sont le plus souvent étouffées ou qu’on préfère « laver le linge sale en famille », à l’abri de tout regard externe, ce qui a pour conséquence d’inhiber bien des femmes à dénoncer les choses. Pire encore, dans certains cas, les militantes femmes qui dénoncent sont accusées d’être des « provocatrices de la police » ou de chercher à « diviser, à salir et à affaiblir le véritable parti révolutionnaire de la classe ouvrière ».

L’existence de ce sexisme ordinaire déforce notablement ces organisations car il fait ainsi partir, parfois sur la pointe de pieds, parfois en claquant la porte, bien des militantes motivées, alors qu’elles sont déjà souvent très minoritaires par rapport aux militants hommes. En outre, dans certains cas graves, la tension est telle que le résultat est l’implosion de l’organisation. Ironiquement, c’est précisément au nom d’une défense bien mal comprise de « l’intérêt supérieur du parti » ou de l’organisation que les défenseurs de l’agresseur ont pris fait et cause pour lui et ont diabolisés et chassés sa victime hors de leurs rangs.

Les situations de violences morales ou sexuelles qui aboutissent à des drames ne sont ni  exceptionnelles, ni des « cas isolés » dans la gauche dite radicale ou révolutionnaire, et cela tous courants et chapelles confondues, car aucun n’y échappe. Le cas le plus grave connu jusqu’ici est celui du Workers Revolutionary Party de Grande-Bretagne, dirigé par Gerry Healy. Ce parti a implosé en 1985 après que 26 femmes révélèrent avoir été violées par Healy, dont une fut si violemment frappée qu’elle en resta handicapée. Début des années 1990, à la suite de violences sexistes, la section japonaise de la IVe Internationale connaissait carrément une scission « non mixte » en deux organisations distinctes avec le départ de presque toutes ses militantes. Fin de l’année 2012, c’est le Socialist Workers Party britannique qui subissait une importante scission à cause de sa gestion catastrophique d’accusations de viols contre l’un de leur leader - toujours en place -, Martin Smith. Un cas similaire, et avec les mêmes conséquences s'était également produit dans les années 1990 dans l’organisation-sœur du SWP en Allemagne.

En 2012, la section turque de la IVe Internationale subissait également une scission suite, entre autres, à des problèmes sexistes. Cette même organisation avait gardé, quelques années plus tôt, comme rédacteur en chef de son journal un homme qui avait sexuellement agressé une militante qui fut forcée de démissionner suite à la cabale lancée contre elle dans l’organisation. En mai 2013, des anarcha-féministes ont démissionné de la Fédération anarchiste française après avoir fait l’objet d’un lynchage collectif pour s’être opposées à un article de Roger Dadoun qui justifiait le viol de DSK sur Nafissatou Diallo. Ce ne sont là que quelques exemples parmi des dizaines d’autres connus ou inconnus et qui concernent des organisations qui ont généralement à cœur de se définir comme « féministes » et ont effectivement développé un travail et des apports sur ce terrain. Que dire alors de la situation dans des organisations de traditions  « staliniennes » ou « en retard » dans ce domaine ?

Il y a généralement une réelle incapacité des organisations de la gauche dite révolutionnaire à aborder politiquement ces affaires et les questions qu’elles soulèvent. Dans la plupart des cas, elles sont tout simplement superbement ignorées ou considérées comme des « affaires privées », des « cas exceptionnels non significatifs » et il n’existe souvent donc aucune volonté de les analyser sérieusement afin d’en tirer des enseignements et d’apporter des solutions politiques et organisationnelles pour s’attaquer à la racine du problème. Autrement dit, au sexisme interne à ces organisations (qui prend des formes spécifiques) et aux pratiques, aux principes et types de fonctionnement qui les favorisent. Dans les rares cas où un travail d’analyse, de réflexion et d’élaboration est effectué, il reste confiné dans des commissions femmes et n’est pas collectivement pris en charge par les organisations.

Pour balayer devant sa porte, il faut mettre des mots sur les réalités, regarder les choses en face, et envisager sérieusement le changement. La crise du SWP britannique a fait éclater cette réalité au grand jour, mais beaucoup de militantes connaissent des cas dont on a fait moins de publicité dans toutes sortes d'organisations progressistes, anticapitalistes, qui se disent, et se pensent féministes. Cela aboutit le plus souvent à des départs, à des femmes qui quittent les organisations parce que victimes du sexisme, et du manque de démocratie interne qui lui permet de se développer.
 Comme le dit Sandra Ezquerra, militante anticapitaliste et féministe espagnole :
« Regardez autour de vous, dans vos sections locales et régionales, et dites moi combien de camarades femmes vous connaissez qui ont entre 30 et 50 ans ? Ou simplement le nombre de camarades femmes ayant des enfants ou des petits enfants, ou avec des parents âgés ou malades ? Elles ne sont pas nombreuses et, pour que nous ne soyons pas sans cesse moins nombreuses, il faut lutter de manière ferme, non seulement dans nos discours, mais aussi en balayant devant notre propre porte, et à l’intérieur aussi, pour le droit à ne pas devoir choisir. »
Comment changer le fonctionnement ? Comment changer les mentalités ? Comment rendre réelle et effective la solidarité entre toutes les femmes ? Comment développer des organisations effectivement démocratiques et féministes ?

3 commentaires:

  1. Voici un autre exemple de sexisme à Gauche... libertaire.


    http://libcom.org/forums/news/anarchist-memes-admin-named-connection-harassment-rape-apologism-03082013

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  2. Salut!
    Cette fois c'est dans la communauté scientifique que la prise de conscience a lieu!

    http://www.sciencepresse.qc.ca/blogue/2013/10/21/chute-blogfather-communaute-blogues

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  3. bonjour,
    l'article "le sexisme de la gauche radiale et les femmes" est finalement disponible ici: http://scenesdelavisquotidien.com/2013/10/31/le-sexisme-de-la-gauche-radicale-et-les-femmes/

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